Argumentaire du bureau de la CNR pour la réhumanisation des gares
Redynamiser ou ré-humaniser 1000 gares ?
Difficultés d’accès dans les points d’arrêts non gérés (PANG), à des distributeurs, à l’impossibilité de se connecter à des outils numériques ou ne pas en disposer, engendrent pour de nombreux usagers des TER des situations inacceptables. Nombre de ceux-ci sont verbalisés malgré leur bonne foi et sont ainsi victimes de l’impossibilité qui leur est faite de se munir de façon classique d’un titre de transport en amont du train. Ils subissent ainsi la double peine. Cette situation fait partie des éléments du rapport de la défenseure des droits qui a interpellé la SNCF sur la base de réclamations d’usagers. A préciser que sur les mêmes points, le précédent rapport établi en 2019 n’a en rien modifié la position de la direction SNCF pour résoudre ces inégalités d’accès au train. Il était alors précisé que, près de 35% de la population ne disposent pas d’outils numériques ou rencontrent des difficultés d’usage.
Situations dénoncées depuis longtemps auprès des autorités par la Convergence Nationale Rail et l’ensemble de ses collectifs et comités. Mais ces difficultés d’accès s’étendent à l’ensemble du réseau national (TGV, TET etc.). En effet dans de nombreuses villes et communes, les guichets ont été transférés dans des lieux commerciaux et ne permettent plus de délivrer l’ensemble des prestations qu’offrent la plupart des guichets SNCF. A noter que sur le fond, la question du service public et les conditions de son accès dans le cadre garanti par la Constitution ne font plus partie du langage officiel. Finalement, pour s’inscrire dans la logique de l’ouverture à la concurrence prônée par la commission européenne, confortée par la Loi LOM (loi d’Orientation des Mobilités) et encouragée par certaines entités comme la FNAUT.
Autre aspect, la mise en place par chaque Région de dispositions de vente de billet qui sortent du caractère structurant du service public et, selon les choix politiques, s’engouffrent dans une logique sécuritaire qui favorise la verbalisation des usagers plutôt que de leur faciliter leurs déplacements.
La fermeture de nombreux guichets, boutiques SNCF, de gares et la poursuite à marche forcée de la dématérialisation se traduisent par de nombreuses suppressions d’emplois et cela en rajoute en termes de discrimination sociale et territoriale.
L’annonce faite par le Ministre des transports, M. DJEBARRI, de redynamiser 1000 gares s’inscrit dans la stratégie de « SNCF Gares et Connexions » qui est à la recherche de nouvelles recettes financières par la vente d’espaces commerciaux au détriment de la logique d’accueil du public avec des guichets donnant accès à tous les services qu’est censée rendre « SNCF Voyageurs ».
Cette annonce, suite aux recommandations de la défenseure des droits, vient également en contradiction avec la logique qui prévaut à la SNCF portant la volonté de tout automatiser, conduite des trains, suppression des contrôleurs à bord des trains, des agents de quai, portiques de sécurité pour l’accès au train et généralisation de la surveillance par caméras et informatisation à outrance des processus de vente.
Dans l’immédiat, la question d’accès au service public et d’égalité de traitement n’est plus posée par le Ministre comme par la direction SNCF puisque le modèle qui prévaut est l’ouverture à la concurrence tous azimuts. Dans le but notamment de dégager de nouvelles sources de profits pour les opérateurs privés et concernant la SNCF, d’abaisser les seuils sociaux en transférant une partie de ses agents vers des filiales low-cost et vers ces opérateurs.
Les choix politiques de ce gouvernement, traduits dans la loi LOM, avec le changement de statut de l’entreprise publique transformée en cinq sociétés anonymes et la fermeture du statut des cheminots au 01/01/2020 avec en plus la volonté de concéder des lignes d’équilibre du territoire à des opérateurs privés, fait la démonstration que la satisfaction des besoins des usagers n’est pas sa priorité.
Le projet de loi « climat et résilience » qui devait faire l’objet d’un engagement pour le développement du ferroviaire conduit à des « mesurettes » qui seront sans effets notables sur le climat voire seront contre-productives !
Le transfert des lignes à « desserte fine » aux régions sans doter celles ci des moyens pour leur entretien, en dehors qu’elle constitue une attaque contre l’unicité du réseau, se voit compléter par les dernières mesures annoncées par le Ministre des transports qui poursuivent la balkanisation du réseau. Sa volonté est de mettre en circulation sur les « petites lignes » du matériel léger, allégé également de la présence humaine, une sorte de SNCF « canada-dry ». Effectivement, si c’est du ferroviaire, c’est loin d’en avoir le contenu et consacre un chemin de fer à deux, voire à trois vitesses. Les grands perdants seront les usagers et les territoires. Et ce projet ne fera que renforcer les inégalités d’accès et poursuivra le déclassement de certaines populations. Outre les effets d’annonce, c’est une politique qui s’inscrit dans l’ensemble des réformes libérales et antisociales que conduit ce gouvernement.
Pour la Convergence Nationale Rail et ses collectifs, la seule alternative pour répondre à la fois aux besoins de tous les usagers est d’en revenir à une entreprise publique intégrée disposant des moyens humains, financiers, techniques pour permettre son développement afin de satisfaire dans de bonnes conditions les besoins croissants de transport. L’Etat doit continuer à reprendre sa dette qui pèse négativement sur la capacité d’investissement de SNCF Réseau alors qu’il est essentiel que les infrastructures ferroviaires soient remises en état sur l’ensemble du territoire. Sans remettre en cause la nécessité du développement des outils numériques, la garantie d’accès doit être maintenue pour tous les citoyens. Cela passe par la réouverture des guichets et boutiques fermés, la possibilité de prendre son billet à bord des trains sans pénalité et la mise en place d’une politique tarifaire sociale, dégressive et lisible par tous, basée sur la référence kilométrique.