Courrier du bureau de la CNR au Président de l’association Rail Avenir

Le bureau de la Convergence Nationale Rail s’est adressé récemment au Président de l’association Rail Avenir à propos de l’opération Railcoop et, au-delà, de l’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire. On trouvera ci-dessous le texte de cette missive.

Monsieur Le Président,


Par un courrier en date du 07/06/2021, vous avez souhaité nous interpeller en tant que Président de l’association RAIL AVENIR au sujet de la note de la CNR de Mars 2021 traitant de ce que l’on appelle l’opération RAILCOOP.
Manifestement vous ne partagez pas notre opposition « sans appel » à ce projet au point que vous avez invité le 12/06/2021 à l’Assemblée Générale de votre association des représentants de RAILCOOP leur permettant de vous exposer vraisemblablement les vertus et autres bienfaits de cette entreprise.


Comme vous semblez également surpris de la position de la CNR, nous vous renvoyons aux Statuts de celle-ci. La CNR s’est créée en Novembre 2011 de la volonté de collectifs, de comités d’usagers, d’élus-es progressistes, de collectivités, de syndicalistes, de citoyens-es soucieux de se doter d’une structure nationale de coordination, d’impulsion, apte à développer des actions convergentes contre les conséquences des politiques libérales de démantèlement du Service Public ferroviaire et à contrario à imposer des choix et orientations tournées vers l’intérêt général, la réponse aux besoins du plus grand nombre. Ainsi et comme nous le rappelons dans une interview accordée en Juin dernier à la Tribune des Cheminots, publication de la Fédération CGT des Cheminots (copie ci jointe), la CNR n’est pas une association «alignée » et contrairement à la FNAUT, elle est opposée à l’ouverture à la concurrence des activités ferroviaires , antichambre des futures privatisations !!


Monsieur le Président , nous sommes surpris que vous ne compreniez pas que nous parlions de balkanisation du réseau ferré, de l’offre ferroviaire alors que cette stratégie a cours depuis bien longtemps sous le coup des directives et règlements de libéralisation de l’Union Européenne mis en œuvre par plusieurs réformes poussées par les gouvernements successifs et par les directions SNCF.
Cela a commencé par l’organisation interne de la SNCF avec la gestion et le pilotage par activités, la création des branches et de filiales concurrentes entre elles et avec la maison mère, la gestion par produits et par axes, le fonctionnement en silos, en tubes, la création de RFF, le désengagement de l’Etat dans le financement des infrastructures ferroviaires classiques , l’abandon de dessertes, la contraction de l’offre, la casse de Fret SNCF, la fermetures des gares, de guichets, la suppression massive d’ emplois et l’arrivée de la concurrence privée sur nos rails !!
Oui Monsieur le Président, la balkanisation dont nous parlons est bien un mode de fonctionnement arbitraire, d’inspiration libérale, portant l’éclatement, l’émiettement, l’atomisation du système ferroviaire nuisant grandement à son efficacité. Cette stratégie n’est pas le fruit du hasard, elle est issue de politiques délibérées visant à l’atrophie, au dépeçage du Service public ferroviaire pour faire de la place à des opérateurs privés soucieux de faire du business , permettant au passage à l’Etat de se désengager de ses obligations .Ce sont bien les mêmes scénarios que nous avons constatés pour d’autres Services Publics , anciens monopoles comme c’est le cas aujourd’hui avec le projet de démantèlement d’EDF afin de permettre au privé de venir faire du cash, conformément aux injonctions de l’ Union européenne !!
C’est donc bien dans ce cadre de l’ouverture à la concurrence qu’intervient l’opération RAILCOOP !!


La stratégie de communication que nous évoquons dans notre note de Mars dernier, a beaucoup mis en exergue la nature de l’entreprise dénommée RAILCOOP, en définitive une SCIC et le fait qu’il n’y aurait pas de recherche de profit et donc pas de dividendes de versés aux sociétaires. Le discours a ensuite évolué pour se focaliser sur les dessertes envisagées. Cela tient probablement aux enjeux économiques. RAILCOOP indiquant qu’il lui faudrait disposer de 5 millions d’euros pour lancer la desserte BORDEAUX- LYON. Or, on le voit, cette somme ne pourrait être atteinte qu’avec le financement des collectivités locales ou d’investisseurs institutionnels qui n’accepteront pas d’abonder gratuitement d’où le changement de posture de RAILCOOP sur la possibilité de rémunérer les investisseurs.
Donc RAILCOOP impose aux collectivités d’ouvrir leur tiroir caisse, de mobiliser l’argent des citoyens/contribuables sinon il n’y aura pas d’arrêts de trains dans leurs villes !! C’est ainsi que RAILCOOP demande, par exemple, 50 000 euros à LIBOURNE, 15000 euros à PERIGUEUX, 42000 euros à VICHY, 20000 euros à GANNAT … Le département de l’Allier a lui versé dernièrement 169 000 euros d’argent public à RAILCOOP !!


Si il fallait se convaincre de la notion de balkanisation, voilà rappelé un dernier exemple, a fortiori que cette façon de procéder conduit à un financement local de chemin de fer et non plus national !
Après avoir essuyé des échecs successifs dans les appels d’offres visant l’ouverture à la concurrence des lignes ferroviaires NANTES-BORDEAUX et NANTES-LYON ou encore l’Appel à manifestation d’intérêt pour les trains de nuit, le Gouvernement voit d’un bon œil l’arrivée de RAILCOOP dans le jeu de la concurrence qui, disons le, s’apparente à un « cheval de Troie » de l’ouverture à la concurrence des activités ferroviaires ! C’est si vrai que le Ministre des transports Jean Baptiste DJEBARRI et bien sûr la FNAUT n’ont pas manqué d’être présents pour fêter le premier anniversaire de l’existence de RAILCOOP !!
Nous l’avons dit, au-delà du côté sympathique de l’opération RAILCOOP, il convient d’en gratter le vernis pour comprendre ce que cela recouvre comme changements à venir qui sont de notre point de vue porteurs de dangers potentiels !!


Aujourd’hui les TER sont placés sous la responsabilité d’Autorités Organisatrices (Régions) qui doivent passer une convention d’exploitation avec un opérateur ferroviaire, pour l’instant avec la SNCF (loi SRU de 2000). Certaines Régions manifestent leurs intentions d’introduire la concurrence dans le transport territorial, non pas pour améliorer les conditions de transports des usagers mais beaucoup plus pour régler des comptes avec la SNCF et avec les cheminots, trop marqués Service Public !! Les Trains d’Equilibre du Territoire (TET/trains Corail…) sont gérés par l’Etat, devenu depuis 2010 autorité organisatrice.


Après avoir arrêté la quasi-totalité des TET/Trains de nuit et plusieurs autres dessertes Corail, l’ETAT semble vouloir aller plus loin en se désengageant totalement des autres TET, en les transférant aux Régions ou en les confiant à d’autres opérateurs comme RAILCOOP !! Pour information et toujours dans le registre « balkanisation/ morcellement » de l’organisation du chemin de Fer, voyons que 70% des citoyens/usagers SUEDOIS réclament le retour à un système ferroviaire public unifié car ils ne se retrouvent plus dans le fatras des tarifs et dans la désorganisation des correspondances, produits de l’atomisation de l’offre autour d’une multitude d’opérateurs !! Faut il rajouter l’exemple Anglais pour convaincre que la concurrence privée n’est pas la solution mais bien le problème !? Après avoir renationalisé la gestion de l’infrastructure ferroviaire, l’Etat Anglais est en train de faire revenir dans le giron public l’exploitation de la plupart des lignes, confiées précédemment aux opérateurs privés !!
Nous n’occultons pas l’aspect « coopérative » que vous évoquez dans votre courrier et dont se pare RAILCOOP mais en y regardant de prés, nous considérons que ce n’est pas une coopérative telle que nous l’entendons, c’est de notre point de vue plus un outil dont n’hésitent pas à se servir les libéraux pour poursuivre le démantèlement de l’organisation historique du chemin de fer, basée sur un système intégré, unifié, permettant transversalité, mutualisation des moyens , cohésion territoriale , égalité d’accès et de traitement…


Ce qui par ailleurs ne cesse de nous interpeller est bien le fait que nombre de dirigeants de RAILCOOP sont issus de la SNCF ou de l’Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire (EPSF) qui, pour une part, au niveau des responsabilités qu’ils occupaient, ont contribué à l’affaiblissement de la consistance du Service Public Ferroviaire. A votre façon, vous soulignez également ce dernier point dans votre correspondance !


Vous l’avez compris Monsieur le Président, à la CNR nous ne sommes pas des doux rêveurs, déconnectés des réalités du terrain et des attentes des usagers /citoyens mais nous sommes viscéralement attachés en convergence avec d’autres forces à défendre, développer, à promouvoir un Service Public Ferroviaire de qualité quelque qu’en soient les obstacles et difficultés rencontrés ! La CNR est beaucoup plus pour construire des coopérations que de prêter main forte à l’arrivée de la concurrence qui n’a que pour seul objectif de faire du fric sur les rails quelque qu’en soit le prix à payer pour les usagers , les personnels, la qualités de service, au point de militer pour faire baisser les contraintes liées aux impératifs de la sécurité ferroviaire, jugés par le privé trop restrictifs par les opérateurs privés.


En responsabilité et en cohérence avec nos statuts, nos orientations, il n’est pour nous pas possible de voir le logo de la CNR figurer sur des publications qui ne s’opposent pas à l’ouverture à la concurrence des activités ferroviaires de la SNCF, pire ,qui sous prétexte de déficience de la SNCF, pointent un accord voire une appétence à l’arrivée d’autres opérateurs ferroviaires sur notre réseau ferré national !!


En vous remerciant de nous avoir transmis votre analyse autour du dossier RAICOOP et en restant disponibles pour tout échange jugé utile, dans l’attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre parfaite considération.

Bonjour 👋 Nous sommes ravi de vous voir ici.

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Comments

  1. Ce courrier de Convergence Nationale Rail je le partage complètement Rail Coop ne peut se prétendre coopérative d’intérêt général. Seul le service public intégré est réellement un seul et unique service public au service des citoyens. Je soutiens totalement le Président du CNR et son bureau . Jacques Valadie’.

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